PRECISIONS SUR LA TOLERANCE DU MANDANT EN CAS DE FAUTE GRAVE

PRECISIONS SUR LA TOLERANCE DU MANDANT EN CAS DE FAUTE GRAVE

La faute grave est définie par la jurisprudence comme celle qui « …porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ». Ainsi, pour priver l’agent commercial des indemnités découlant de la rupture des relations contractuelles, cette faute grave doit immédiatement rendre impossible la poursuite de la collaboration entre les parties.

C’est pourquoi des comportements connus de longue date par le mandant et tolérés par lui ne peuvent être légitimement allégués ensuite par ce dernier à l’appui d’une prétendue faute grave privative d’indemnité comme le réaffirme régulièrement la Cour de Cassation (Cass. Com. 26 septembre 2018, n° 17-17743 ; 12 février 2013, n° 12-12371 ; 8 décembre 2009, n° 08-17749 ; 22 février 2005, n° 03-12753 ; 11 juin 2002, n° 98-21916).

La question s’est donc posée de savoir si la dénonciation systématique et pendant des années de certains comportements de l’agent commercial par le mandant, mais non-sanctionnés par la rupture des relations contractuelles, n’était pas assimilable à une tolérance de sa part.

L’arrêt rendu le 19 octobre 2022 par la chambre commerciale de la Cour de Cassation (n° 20-22510) amène une réponse négative. Dans cette affaire, l’agent avait adressé pendant douze ans à des clients des offres commerciales qu’il n’était pas autorisé à formuler ce qui avait donné lieu à l’envoi de dix courriels de protestation du mandant remettant en cause les conditions commerciales proposées par l’agent aux clients concernés. Les juges de la Cour d’appel de Besançon avaient considéré que même si les faits s’étaient étalés sur douze ans, ils n’avaient pas fait l’objet de tolérance de la part du commettant puisque pendant le même laps de temps, il avait remis en cause les offres commerciales non-autorisées.

Cette appréciation est pleinement confirmée par la Cour de Cassation qui estime que les manquements de l’agent commercial « …au contrat d’agence n’avaient pas été tolérés par sa mandante et qu’ils avaient porté atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun, rendant impossible le maintien du lien contractuel, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer la recherche invoquées par la 4ème branche pour répondre à de simples allégations de l’agent, dépourvue d’offres de preuves, sur le caractère disproportionné de la rupture du contrat au retard du nombre de clients concernés par les manquements et leurs conséquences financières pour la société Micro-Mega, a pu retenir l’existence d’une faute grave privant [M.] de son droit à indemnisation du fait de la cessation du contrat ».

En d’autres termes, l’accumulation de manquements identiques de l’agent commercial à l’exécution de ses obligations, à condition d’avoir été régulièrement dénoncés par le mandant, peuvent à terme être assimilables à une faute grave privative d’indemnité rendant définitivement impossible la poursuite des relations contractuelles.

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