LIVRAISONS SUR PLATEFORMES ET DROIT À COMMISSION DE L’AGENT COMMERCIAL

rayons de supermarché

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon (SARL Karactermania/Penneçot, RG n° 19/00116) fait une parfaite analyse de la place de l’agent commercial dans l’organisation actuelle du commerce intégré qui ne cesse d’évoluer ce qui peut brouiller la perception du rôle des agents commerciaux dans la réalisation des ventes.

Les opérations de ventes au profit de la grande distribution impliquent deux niveaux de négociation (centrales et magasins) qui ne sont pas forcément confiés à une force de vente externe. Les mandants se réservent souvent les négociations avec les centrales pour ne charger les agents commerciaux que des ventes en magasins, même s’il arrive que les deux tâches soient attribuées à ces derniers.

De plus, lorsque les enseignes ont recours à la technique de vente ou livraison sur plateformes ou entrepôts, les agents commerciaux qui visitent les magasins ont pour rôle de provoquer les commandes des acheteurs ou des chefs de rayon qui sont ensuite passées par les magasins à la centrale de l’enseigne. C’est cette dernière qui adressera ensuite les commandes aux fournisseurs qui feront l’objet de livraisons sur plateformes ou entrepôts, pour  être ensuite dispatchées auprès des magasins concernés.

Sous l’empire de l’ancienne définition restrictive et erronée du pouvoir de négociation de l’agent commercial, certains mandants ont tenté de profiter de cette organisation pour refuser de commissionner les agents commerciaux sur les ventes livrées sur plateformes ou entrepôts et pour soutenir qu’ils ne pouvaient revendiquer le statut juridique d’agent commercial faute de pouvoir négocier les prix ou les conditions de ventes avec les magasins. Les arrêts de la CJCE du 4 juin 2020 et de la Cour de Cassation des 2 décembre 2020 (n° 18-20231) et 10 février 2021 (n° 19-13604) ont heureusement mis un terme à cette jurisprudence exagérément restrictive dont l’arrêt de la Cour de Dijon du 18 mars 2021 constitue une récente illustration.

Dans cette affaire et alors qu’un agent commercial unique était chargé des référencements auprès des centrales, la société mandante se refusait à commissionner ses agents commerciaux sur les ventes faites sur plateformes ou entrepôts alors que ces derniers visitaient effectivement les magasins pour susciter leurs commandes auprès de la centrale.

Ce refus du mandant est formellement condamné par la Cour qui relève que si la « société Aftrad Europe Négoce était chargée d’obtenir des centrales d’achat le référencement des produits commercialisés par la société Karactermania et se chargeait de la transmission des commandes groupées, les commandes émanant des magasins provenaient du travail sur le territoire des agents commerciaux auxquels les informations sur les référencements étaient communiquées afin qu’ils entrent en contact avec les magasins de ses enseignes sur le secteur pour « optimiser au maximum les ventes auprès de chacun d’eux.

En conséquence, c’est à tort que la société Karactermania soutient ne devoir des commissions qu’à Monsieur Céleste, son raisonnement aboutissant à faire bénéficier cette personne (ou sa société) non seulement des fruits de son travail auprès des centrales mais également de celui du travail effectué sur le terrain par les agents commerciaux de son réseau.

Par application des dispositions de l’article L134-6 du Code de Commerce ci-dessous rappelées, dès lors qu’une commande était effectuée par l’un des magasins Carrefour et Auchan relevant de la zone géographique confiée à Monsieur Penneçot, une commission calculée sur la base de la vente ainsi réalisée lui était due, quelque soient les conditions dans lesquelles cette commande avait été obtenue, et à tort la société Karactermania a dénié ce droit à l’intimée dans son courrier du 23 novembre 2015 de même que dans ses écritures dans le cadre de la présente procédure.

Il importe peu que la société Karactermania n’ait pas différencié la rémunération due à Monsieur Céleste pour son travail auprès des centrales d’achat de celle due aux agents commerciaux agissant sur le terrain, son inconséquence ne pouvant être valablement opposée auxdits agents ».

En conséquence, la Cour d’appel de Dijon a considéré que le non-paiement des commissions dues à l’agent commercial était fautif de la part de la société mandante et a donc estimé que la rupture des relations contractuelles lui était exclusivement imputable.

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