L’INDEMNITÉ DE CESSATION DE MANDAT (2/2) : Le montant et les modalités de calcul de l’indemnité

SECTION 2 : Le montant et les modalités de calcul de l’indemnité

Avec une constance qui mérite d’être soulignée, les usages professionnels et la jurisprudence évaluent depuis de longues années l’indemnité de cessation de mandat à deux ans de commissions.

1 – Le montant de l’indemnisation :

  Il est de principe que l’indemnité de rupture allouée à l’agent commercial s’analyse en une compensation du préjudice subi du fait de la rupture de son mandat, qui est souverainement appréciée par les juges du fond (Cass. Com. 10 mai 1977, pourvoi n° 76-10551 ; 20 mars 1972, pourvoi n° 70-14217 ; 29 mai 1969, pourvoi n° 67-12483).

Généralement, son montant est fixé par les usages professionnels et la jurisprudence à l’équivalent de deux ans de commissions brutes, calculée sur la base des commissions perçues soit au cours des deux dernières années

d’exécution du contrat, soit sur la moyenne des commissions des trois dernières années (CA Toulouse 20 janvier 2016 Kranzle Gmbh/Corepso, arrêt n° 50 ; Aix-en-Provence 9 avril 2015, CRE/Demont, arrêt n° 2015/148 ; Nîmes 23 janvier 2014 SARL Cavas/Foulquier, arrêt n° 41 ; 10 janvier 2013 SARL Benito France/Dauvergne, arrêt n° 9 ; Lyon, 18 mars 2011, SARL Eurotech/Gros, arrêt n° 10/00781 ; etc.).

  Les contrats d’agence commerciale contiennent parfois des clauses prévoyant par avance soit le montant de l’indemnité de fin de contrat, soit ses modalités de calcul. Or, les dispositions de l’article L134-12 du Code de Commerce prévoyant le droit à indemnité sont d’ordre public en application de l’article L134-16 du même Code, et elles sont donc le plus souvent réputées non-écrites.

C’est ainsi qu’est nulle la clause par laquelle le mandant s’exonère de toute indemnité (Cass. Com. 6 février 1990, n° 88-12903) ou qui définit par avance un évènement privant l’agent d’indemnisation. C’est le cas de la non-réalisation d’une clause d’objectif car la Cour de Cassation rappelle « …qu’en l’absence de définition légale, il appartient au seul juge de qualifier de faute grave les faits qui lui sont soumis et que la clause contractuelle, qui définit la non-atteinte du chiffre d’affaires minimum à réaliser comme une faute grave justifiant le non-renouvellement du contrat sans indemnité doit être réputée non-écrite… » (Cass. Com. 28 mai 2002, n° 00-16857). Le raisonnement est identique pour des clauses prévoyant un mode de calcul particulier de l’indemnité. La clause fixant l’indemnité aux seules commissions perçues sur les clients nouveaux apportés par l’agent commercial est également nulle (Cass. Com. 14 octobre 1974, n° 73-12189) car l’octroi de l’indemnité n’est pas lié à un apport de clientèle par l’agent commercial (Cass. Com. 14 octobre 1997, n° 95-16937). La Cour de Cassation considère en effet qu’il n’y a pas lieu d’effectuer de distinction selon la provenance et la nature de la rémunération perçue par l’agent commercial (Cass. Com. 8 octobre 2013, n° 12-26544 ; 21 octobre 2008, n° 08-10578 ; 7 juin 2006, n° 04-15345).

Enfin, s’agissant des clauses fixant par avance le montant de l’indemnité, la Cour de Cassation n’admet leur validité que si elles prévoient une indemnisation supérieure ou égale au préjudice subi (Cass. Com. 20 mars 2007, n° 06-11987) ou une indemnisation supplémentaire se cumulant avec l’indemnité de cessation de mandat, « …toute clause prévoyant une indemnisation différente étant non-avenue » (Cass. Com. 17 juin 2003, n° 01-11300).

2 – L’assiette de calcul de l’indemnité de cessation de mandat :

  On l’a vu, l’indemnité est généralement fixée par les usages professionnels et la jurisprudence à l’équivalent de deux ans de commissions brutes sur la base des rémunérations perçues par l’agent commercial.

La période de référence à prendre en compte pour ce calcul est soit les deux dernières années civiles d’exécution du mandat, soit la moyenne annuelle des trois dernières années. La jurisprudence considère qu’il faut intégrer dans cette assiette de calcul la totalité des rémunérations perçues par l’agent commercial à l’occasion de l’exécution de son mandat. En effet, afin d’estimer la valeur de l’activité développée en commun par les parties et d’indemniser complètement l’agent commercial du préjudice subi, elle considère qu’il n’y a pas lieu d’effectuer de distinction selon la nature de la rémunération de l’agent commercial (Cass. Com. 8 octobre 2013, n° 12-26544 ; 21 octobre 2008, n° 08-10578 ; 7 juin 2006, n° 04-155345).

Toutes les rémunérations perçues par l’agent commercial pour des activités annexes ou complémentaires à l’activité principale développée pour le compte du mandant, rentrent dans le calcul de l’indemnité de cessation de mandat. C’est le cas notamment de la rémunération couvrant l’activité logistique, le stockage, le transport, la livraison, les tâches administratives correspondantes, le suivi commercial (Cass. Com. 31 janvier 2006, n° 04-20683 ; 5 avril 2005, n° 03-15230).

  – Lorsque des commissions demeurent impayées, leur montant doit être réintégré dans l’assiette de calcul de l’indemnité, car elles participent à l’évaluation de la valeur perdue du mandat. Cette réintégration concerne aussi bien le calcul de l’indemnité légale de cessation de mandat que celui de l’indemnité compensatrice de préavis inexécuté (Cass. Com. 8 février 2011, n° 09-15647 ; 12 juin 2007, n° 05-22025). Conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation, les juridictions de fond ajoutent les commissions impayées aux rémunérations effectivement perçues pour calculer le montant des indemnités précitées (CA Toulouse 20 janvier 2016 Kranzle gmbh/Corepso, arrêt n° 50 ; Nîmes 23 janvier 2014 SARL Cavas/Foulquier, arrêt n° 41 ; Montpellier 24 janvier 2012 SA Bourtoire/Pastor, arrêt n° 309 ; Lyon 18 mars 2011 Eurotech/Gros, arrêt n°10/00781).

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