LA MOTIVATION DE LA LETTRE DE RUPTURE A L’INITIATIVE DE L’AGENT COMMERCIAL

Lorsque le mandant ne respecte pas ses obligations en rendant impossible la poursuite du contrat d’agence commerciale, l’agent commercial peut, en application de l’article L134-13-2 du Code de Commerce, prendre l’initiative de la rupture des relations contractuelles.

Dans ce cas, l’agent commercial conserve les droits à indemnités prévus par les articles L134-11 et L134-12 du Code de Commerce, c’est-à-dire l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité légale de cessation de mandat. Cette hypothèse est totalement différente de celle d’une démission de l’agent commercial, lorsqu’il renonce pour des raisons personnelles à l’un de ses mandants et qu’il se trouve donc privé de l’indemnité de cessation de mandat prévue par l’article L134-12 du Code de Commerce.

La décision de rompre est donc un acte lourd de conséquences et l’agent commercial doit donc être particulièrement vigilant quant à la rédaction de l’écrit qu’il adressera au mandant pour mettre un terme à la collaboration. En effet, si la volonté de rompre s’explique en réalité par des circonstances imputables au mandant lui ouvrant droit à indemnités, il ne faudrait pas qu’une rédaction maladroite de sa correspondance s’analyse en une lettre de renonciation à la valeur patrimoniale de la carte. Sur ce point, les juges se livrent à une lecture attentive de l’écrit de l’agent en s’efforçant de déterminer quelle a été son intention (CA Nîmes Tisun gmbh/Vallard, arrêt n° 33 ; Aix-en-Provence 27 octobre 2010 Ferreira Marques/Cuoco, arrêt n° 2010/408 ; 11 avril 2005 Guyon SA/Raps, arrêt n° 1417).

La question s’est aussi posée de l’étendue de la motivation de la lettre de rupture. L’agent commercial doit-il, comme en droit du travail, énumérer minutieusement la totalité des faits fautifs ou bien peut-il se borner à les synthétiser, quitte à les détailler par la suite devant le juge ? Autrement dit, un grief qui n’aurait pas été explicité dans la lettre de rupture peut-il par la suite être invoqué par l’agent commercial ?

L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 9 juin 2021 (n° 19-21353) donne un éclairage intéressant à cette question. La Cour d’appel de Paris par un arrêt du 11 avril 2019 avait débouté l’agent commercial de sa demande en paiement de l’indemnité de cessation de mandat au motif que dans sa lettre de rupture l’agent commercial n’aurait pas invoqué les problèmes de suivi de commande ou de retard de livraison dus au changement du site de production du mandant.

La Cour de Cassation censure cette décision en relevant que « …la lettre de résiliation du 28 janvier 2014 visait expressément les difficultés d’exécution du mandat en raison des manquements de la société Autogyre, à ses obligations contractuelles vis-à-vis tant de la clientèle que de son agent commercial et le préjudice en résultant la Cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé… ». Il apparaît en conséquence que la motivation de la lettre de rupture émanant de l’agent commercial est suffisante lorsqu’elle énonce les catégories de manquements que l’agent reproche à son mandant.

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