LA FRAUDE AUX COMMISSIONS PAR CREATION D’UNE TIERCE SOCIETE

LA FRAUDE AUX COMMISSIONS PAR CREATION D’UNE TIERCE SOCIETE

Il arrive parfois que des mandants malhonnêtes se livrent à des montages juridiques ou commerciaux pour frauder les commissions dues à leurs agents commerciaux.

Dans la pratique, les exemples de fraude abondent. Cela peut être de faire soumissionner aux appels d’offre d’autres sociétés du même groupe (CA Lyon 23 octobre 2008 BDP/Fontanex, RG n° 07/193), de retirer certaines fabrications à la société mandante pour les confier à une autre entité du groupe (CA Aix-en-Provence 28 décembre 2011 Leclere/Hygiène Design Surface, n° 2011/524), de faire vendre les produits contractuels par la société mère de la filiale française (CA Toulouse 21 janvier 2016 SARL Corepso/Kranzle gmbh).

Mais le dispositif le plus souvent mis en œuvre par les mandants consiste à créer une tierce société avec le même actionnariat et les mêmes dirigeants et très souvent le même siège social, qui commercialise des produits soit identiques soit concurrents de ceux qui sont confiés à l’agent commercial (Cass. Com. 27 septembre 2017, n° 14-25100 ; Tribunal de Commerce de Fréjus 22 juin 2020 Espace Concept Habitat/Edil Point et Fibrotubi, n° 2019/4064).
Naturellement, les juges ne sont pas dupes des intentions malhonnêtes des mandants et considèrent qu’ils se rendent ainsi coupables d’une rupture détournée des relations contractuelles ce qui autorisent l’agent commercial à prendre l’initiative de la rupture de son mandat en application de l’article L134-13-2 du Code de Commerce.

C’est ce que vient de juger la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 17 novembre 2022 (Phocea/Mercadier, arrêt n° 2022/328) en considérant que la création d’une tierce société pour vendre des produits identiques ou concurrents est constitutive d’un manquement à l’article L134-4 du Code de Commerce qui oblige le mandant à mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat. L’analyse de la situation faite par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans cette affaire est exemplaire :

« Il résulte des pièces versées au débat qu’à l’époque où Madame Mercadier était agent commercial de la société Phocea, les sociétés Phocea et Phenicia International ont des dirigeants émanant des mêmes familles, le même siège social, et commercialise certes une gamme de produits bio d’épicerie sèche sous des marques différentes, mais de nombreuses références sont concurrentes.

Madame Mercadier démontre que la société Phenicia International a vendu des produits identiques à ceux dont elle avait l’exclusivité sous la marque Lavandine, notamment dans les magasins Intermarché de Venelle (13), au magasin Netto de La Destrousse (13) et à Intermarché de Miramas (13). Elle établit qu’au mois de juin 2017, les sociétés Phocea et Phenicia International ont proposé la gamme Lavandine directement à l’un de ses clients, le magasin Hyper U de Pertuis (84), que l’un des responsables de ce magasin a refusé la livraison de produits commandée en arguant qu’il ne voulait travailler qu’avec un seul fournisseur pour les gammes Stanley et Lavandine. Ce refus non-contesté corrobore le fait que les produits des gammes vendues respectivement sous les marques Stanley et Lavandine présentent des caractéristiques communes et que celles-ci peuvent être substituées l’une à l’autre. Elle justifie avoir demandé à la société Phocea de mettre fin à ses agissements par lettre recommandée avec accusé réception du 25 juillet 2017 s’agissant de l’Hypermarché U de Pertuis.

Madame Mercadier démontre ainsi que la société Phocea a empêché son agent commercial d’exécuter son mandat.

C’est dès lors à juste titre que le tribunal, faisant application de l’article L134-13-2 du Code de Commerce, a jugé que la rupture du contrat était imputable à la société Phocea… ».

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