LA DÉFAILLANCE FINANCIÈRE DU MANDANT DE L’AGENT COMMERCIAL (1/2) : La continuation du contrat

L’absence de réformes économiques, la favorisation systématique des salariés et de la fonction publique depuis 35 ans ont grandement dégradé l’entreprise en France. Ce sont donc des pans entiers d’activités qui ont disparu depuis 10 ans, les entreprises éprouvant régulièrement des difficultés de trésorerie provoquant nombre de cessations de paiement.

C’est pourquoi les agents commerciaux sont souvent confrontés au redressement ou à la liquidation judiciaire de leur mandant qui, le plus souvent, entraînent la fin du contrat puisque les statistiques montrent que plus de 85 % des procédures collectives aboutissent à la disparition de l’entreprise. L’impact de la procédure collective sur la relation entre l’agent commercial et son mandant doit donc être étudié aussi bien du point de vue de la poursuite du contrat et sa rémunération, que de sa cessation et de l’indemnisation qui en découle.

SECTION 1 : Le sort du contrat d’agence

1 – Le principe de la poursuite des contrats en cours :

Contrairement à une idée inexacte largement répandue, l’ouverture de la procédure collective n’entraîne pas la fin du contrat d’agent commercial. Bien au contraire, en application de l’article L622-13 du Code de Commerce, les contrats en cours d’exécution au moment du jugement d’ouverture de redressement judiciaire sont normalement poursuivis, en cas de continuation de l’exploitation. Dans ces conditions, le mandat d’agence commerciale en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure collective doit être normalement poursuivi par l’agent et par le mandant. Aucun d’eux, ne peut donc tirer prétexte du redressement judiciaire pour rompre unilatéralement la convention.

Il est à noter que la poursuite du contrat s’impose à l’agent malgré l’inexécution de ses obligations par le mandant notamment au cas où il existerait un solde de commissions impayées qui, comme on le verra plus loin, n’ouvre droit au profit du créancier qu’à déclaration au passif. C’est ainsi qu’on a déjà vu des agents commerciaux, non-payés de leurs commissions depuis des mois, devoir poursuivre l’exécution de leur mandat. Mais cela ne signifie pas pour autant que le contrat doive être nécessairement poursuivi.

    – Tout d’abord, il reste loisible à l’agent commercial qui dispose d’un contrat à durée indéterminée de démissionner de ses fonctions. En effet, le droit civil prohibe la notion d’engagement perpétuel et l’agent commercial, comme toute partie à un contrat à durée indéterminée, peut décider de mettre unilatéralement un terme à son engagement.

Dans cette hypothèse, il devra naturellement respecter l’obligation de préavis prévue par l’article L134-11 du Code de Commerce dont la durée « …est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes… ».

    – En outre, après l’ouverture de la procédure collective et pendant la période d’observation, le mandant doit exécuter ses obligations pécuniaires envers l’agent et, à ce titre, procéder au règlement des commissions dont le fait générateur est postérieur au jugement d’ouverture. Le droit commun est de nouveau applicable et l’agent commercial retrouve ses droits de poursuites individuelles pour contraindre le mandant à exécuter ses obligations pécuniaires.

Si ce dernier laisse impayées de nouvelles rémunérations l’agent commercial, en application de l’article L134-12-2, est en droit de prendre l’initiative de la rupture des relations contractuelles, car il s’agit de l’une des « circonstances imputables au mandant » visées par ce texte, ce qui lui ouvre droit au règlement de l’indemnité légale de cessation de mandat prévue par l’article L134-12 du Code de Commerce (CA Montpellier 24 janvier 2012 SA Bourtoire/Pastor, arrêt n° 309 ; Lyon 18/ mars 2011 Eurotech/Gros, arrêt n° 10/00781 ; Versailles 21 janvier 2010 Fonbonnat/Edena, arrêt n° 35).

2 – La poursuite du contrat par les organes de la procédure :

En application de l’article L621-4 du Code de Commerce, l’administrateur du mandant, ou le mandant lui-même dans les procédures simplifiées, dispose d’un droit d’option pour réclamer la continuation du contrat. S’ils optent pour la poursuite du mandat d’agent commercial, l’administrateur ou le débiteur s’engagent à assumer les obligations découlant du mandat et notamment à rémunérer normalement l’agent commercial.

Mais l’agent qui, au contact de la clientèle doit rapidement connaître le sort de son contrat, n’est pas obligé d’attendre le bon vouloir de l’administrateur ou du mandant. Il peut en effet les mettre en demeure d’opter pour la poursuite de son mandat en application de l’article L621 du Code de Commerce. Cette mise en demeure fait courir alors un délai de réponse de 1 mois au-delà duquel l’absence de réponse vaut de plein droit résiliation du contrat (article L621du Code de Commerce).

3 – La poursuite du contrat et le plan de cession de l’entreprise :

La décision de l’administrateur ou du débiteur de poursuivre le contrat pendant la période d’observation ne préjuge pas d’une nouvelle évaluation de la situation liée à la préparation d’un plan de cession de l’entreprise mandante.

A l’issue de la période d’observation, le tribunal peut décider de la vente de l’entreprise ou de l’une de ses branches d’activité à un repreneur. Ce dernier s’est manifesté auprès des organes de la procédure et a offert de reprendre l’entreprise ou une large partie de celle-ci. Dans son offre, il a soigneusement détaillé les actifs qu’il souhaitait acquérir et, concernant la force de vente, précisé les contrats des « représentants » qu’il souhaitait voir poursuivre à son profit.

Contre son gré, le contrat de l’agent commercial peut donc être transmis à ce repreneur, et il n’a alors d’autre choix que de s’exécuter ou de démissionner ou de céder sa carte à un successeur en application de l’article L134-13-3 du Code de Commerce. Si en revanche son mandat ne fait pas partie des contrats cédés, il est alors résilié dans le cadre de la liquidation judiciaire frappant la partie de la société qui n’a pas été reprise. En théorie, cette situation ouvre droit à l’agent commercial au règlement de l’indemnité légale de cessation de mandat, mais ses chances de paiement sont extrêmement faibles, voire nulles.

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