LA FIN DU CONTRAT À L’INITIATIVE DU MANDANT

C’est en pratique l’hypothèse de rupture la plus fréquemment rencontrée. L’essentiel des contrats d’agence commerciale étant conclu pour une durée indéterminée, le mandant peut, à tout moment, décider de résilier le mandat de l’agent commercial, sans même avoir à justifier ou motiver sa décision.

Comme on l’a vu, la décision de rompre du mandant ouvre droit à indemnisation au profit de l’agent commercial en application de l’article L134-12 du Code de Commerce, et la seule façon pour le mandant d’échapper à cette obligation est de démontrer la commission d’une faute grave de l’agent.

Cette rupture à l’initiative du mandant repose sur la mauvaise exécution de ses obligations par l’agent  et obéit donc à des règles spécifiques. Elles tiennent à la charge de la preuve de la faute grave et à l’impossibilité pour le mandant de revenir unilatéralement sur sa décision.

  – En application des dispositions combinées des articles L134-11, L134-12 et L134-13-1 du Code de Commerce, la commission d’une faute grave par l’agent commercial, dans l’exercice de ses fonctions, est susceptible de le priver de l’indemnité de cessation de mandat et de l’indemnité compensatrice de préavis inexécuté.

Il est de principe que les obligations de l’agent commercial ne sont pas de résultat mais de moyen. Dans ces conditions, lorsque le mandant reproche à l’agent commercial la commission d’une faute grave pour se soustraire au paiement des indemnités,  pèse sur lui la charge de prouver la faute grave alléguée (Cass. Com. 27 septembre 2017, n° 16-17171 ; 29 mars 2017, n° 15-26476 ; 15 mars 2017, n° 15-20577 ; 22 novembre 2016 n° 15-17131).

Ce n’est donc pas à l’agent commercial de prouver que les reproches qui lui sont faits sont infondés mais au mandant, dans un premier temps, d’administrer la preuve des griefs qu’il formule à l’encontre de l’agent commercial.

S’il ne justifie pas de ses allégations, les juges considèrent que la faute grave n’est pas rapportée et que le mandant doit indemniser l’agent commercial (Cass. Com. 15 octobre 2009, n° 03-11530 ; 22 février 2005, n° 03-12045 ; etc…).

  – Il arrive parfois que le mandant se ravise après avoir résilié le mandat de son agent commercial et lui propose une reprise des relations contractuelles qui est naturellement subordonné à l’accord de l’agent, en application des articles 1101 et 1102 du Code Civil.

Mais cette attitude peut être également un simple artifice du mandant pour tenter d’améliorer sa position vis-à-vis des juges, au cas où l’agent engagerait une procédure en paiement de l’indemnité de cessation de mandat. Bien entendu, les juges ne sont pas dupes et ne tiennent aucun compte de cette offre si la rupture est consommée.

Par un arrêt du 17 mai 2018, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Polopfans/SAS Laboratoires d’Anjou, n° 2018/229) a estimé que la proposition de reprendre la collaboration à un taux de commissions minoré laissait présumer que le reproche d’insuffisance d’activité fait à l’agent était infondé et le condamne à lui régler l’indemnité de cessation de mandat. Par une décision du 25 janvier 2012 (Guarisco Fashion/melane, arrêt n° 2012/26) la même Cour avait décidé que la proposition de reprise du mandant ne pouvait effacer ses manquements à l’obligation de mettre en mesure l’agent commercial d’exécuter son mandat. L’appréciation de la Cour d’appel d’Aix avait déjà été identique dans une affaire (31 mars 2005 SA Châteaux en Bordeaux/Geoffroy, arrêt n° 2005/220) où le mandant, en cédant aux pressions d’un très important client, avait évincé l’agent et l’invitait à poursuivre la relation contractuelle en recherchant de nouveaux clients.

Le mandant ne peut donc espérer être absout que si son repentir est sincère et qu’il est pardonné par l’agent.

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