LES COMMISSIONS DE L’AGENT COMMERCIAL (2/2) : le paiement et la vérification des commissions

 I – LE PAIEMENT DES COMMISSIONS

 

A/ L’exigibilité de la commission :

       – Généralement, les parties choisissent pour fait générateur de l’exigibilité de la commission soit la livraison ou la date de l’exécution de la prestation de service, soit le paiement par le client.

Dans la majorité des cas, les commissions sont payables soit mensuellement, soit trimestriellement sur la base des encaissements reçus par le mandant le mois ou le trimestre précédent.

Le législateur a même prévu l’hypothèse ou les parties auraient omis de s’accorder sur la date de l’exigibilité.

L’article L134-9 alinéa 2 du Code de Commerce dispose que, dans cette hypothèse, elle est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise.

       – L’existence d’un litige opposant les parties au sujet de l’imputabilité de la rupture du contrat ne peut retarder le paiement des commissions. C’est ce qu’a décidé la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE dans une décision du 4 septembre 1998 (BURGUE/ QUETEX, arrêt n° 536-98) en considérant que « …le paiement de commission est dû, nonobstant la résiliation du contrat, et indépendamment des torts pouvant être retenus à la charge de l’une ou l’autre des parties à propos de cette résiliation… ».

C’est cette même indépendance des demandes de commissions et d’indemnités qui permettent aux juges de débouter l’agent commercial de sa demande d’indemnité de rupture et de néanmoins lui accorder  le paiement des commissions arriérées (CA AIX-EN-PROVENCE 27 octobre 2010 FERREIRA/CUOCO, arrêt n° 2010/408 ; 10 juin 2005 SAMPUTENSILI FRANCE/DZIPSEFF, arrêt n° 2005/338).

B/ Les conséquences du non-paiement de la commission :

       – Relevant que le paiement des commissions à l’agent est une obligation essentielle du mandant, les juges le sanctionnent lourdement en cas de manquement avéré, en considérant qu’il se rend responsable d’une rupture détournée des relations contractuelles.

C’est ainsi que les mandants sont condamnés même si les commissions sont finalement réglées, mais avec un retard systématique (CA AIX-EN-PROVENCE 16 mai 2006, CAROSIA/TBA, arrêt n° 04/10500) ou même lorsque l’arriéré est d’un montant relativement faible (CA d’AIX-EN-PROVENCE 30 juin 2010 SATPLAN/DULOUT, arrêt n° 2010/301).

L’appréciation est identique lorsque le non-paiement des commissions se double soit d’une violation de l’exclusivité territoriale confiée à l’agent commercial, soit d’une dissimulation des ventes lui ouvrant droit    à commission (CA AIX-EN-PROVENCE, 16 mai 2012, SAS CONFOREL /MAJAULT, arrêt n° 2125/209 CA NÎMES 12 avril 2012, ROCHON/TECHNISOL, arrêt n° 197 ; CA MONTPELLIER 24 janvier 2012, SA BOURTOIRE/PASTOR, arrêt n° 309 ; CA LYON 18 mars 2011, EUROTECH/GROS, arrêt n° 10/00781 ; CA VERSAILLES 21 janvier 2010, FONBONNAT/EDENA, arrêt n° 35 ; etc…).

       – Dans les décisions précitées, les juges ont constaté la rupture détournée du mandat de l’agent commercial et ont condamné le mandant à lui régler l’indemnité de cessation de mandat prévue par l’article L134-12 du Code de Commerce.

L’assiette de calcul de cette indemnité est constituée des commissions perçues par l’agent au cours des deux ou trois dernières années d’exécution du mandat. Si des commissions restent dues à l’agent commercial, elles doivent dont être réintégrées dans l’assiette de calcul de cette indemnité (Cass. Com. 12 juin 2007, n° 05-22025 ; 8 février 2011, n° 09-15647).

II – LA VERIFICATION DES COMMISSIONS

La mission de l’agent commercial consiste principalement à négocier ou conclure des ventes pour le compte de son mandant sur lesquelles il percevra une rémunération. L’agent commercial n’est pas partie à la vente qu’il contribue à réaliser et qui s’exécutera directement entre son mandant et le client. Il est donc extérieur à son exécution.

C’est en effet le mandant qui, dans son rapport avec le client, confirme la commande, effectue la livraison, procède à la facturation, encaisse le prix ou assure éventuellement le service après-vente. L’une ou l’autre de ces prestations sont choisies par les parties pour constituer le fait générateur du droit à commission et l’exigibilité de son paiement. Dans ces conditions, seul le mandant détient les justificatifs des circonstances donnant naissance au droit à rémunération et c’est pourquoi le législateur met à sa charge l’obligation d’en informer l’agent commercial.

A/ Le contenu et la périodicité de l’information :

L’alinéa 1er de l’article R134-3 du Code de Commerce précise la périodicité et la nature de l’information que le mandant doit communiquer à l’agent : « Le mandant remet à l’agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du trimestre auxquelles elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé ».

Ce texte est d’ordre public et il est impossible, aux parties au contrat d’agence commerciale d’y déroger par une stipulation contraire. Il arrive parfois que des mandants mal intentionnés se refusent à adresser les relevés de commissions à l’agent commercial, l’empêchant ainsi de vérifier et facturer ses commissions. Si l’agent dispose de documents établissant au moins l’existence de la commande du client et son montant, les juges considèrent qu’ils sont suffisants pour prouver l’existence du droit à commission. Ils sanctionnent l’attitude du mandant en mettant à sa charge la preuve la survenance des évènements susceptibles d’éteindre ce droit à rémunération et qui sont prévus par l’article L134-10 du Code de Commerce. S’il n’administre pas cette preuve, les juges le condamnent alors, sur la seule base des commandes, à régler à l’agent commercial les commissions correspondantes. (CA NÎMES 10 janvier 2013 BENITO FRANCE/DAUVERGNE arrêt n° 9 ; 12 avril 2012 ROCHON/TECHNISOL, arrêt n° 197 ; CA AIX-EN-PROVENCE 7 octobre 2002 LEPOUTRE /FISVEN BELLOCOTON, arrêt n° 725).

B/ La communication forcée des éléments comptables :

Si, en revanche, l’agent commercial ne possède pas d’élément prouvant l’existence de l’affaire génératrice de commission, l’alinéa 2 de l’article R134-3 du Code de Commerce consacre son droit à vérification en disposant que : « L’agent commercial a le droit d’exiger de son mandant qu’il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables, nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues ». La Cour de Cassation considère que la bonne exécution de cette obligation d’information constitue un préalable nécessaire à l’examen au fond d’une revendication de rémunération de la part de l’agent commercial.

Elle casse systématiquement toute décision de Cour d’appel déboutant l’agent commercial d’une demande en paiement de commissions en relevant que les juges d’appel ne pouvaient lui faire grief de ne pas administrer la preuve de son droit à commission alors que le mandant s’était refusé à lui communiquer les éléments nécessaires à leur vérification (Cass. Com. 5 avril 2016, pourvoi n° 14-25989 ; 5 octobre 2014, pourvoi n° 13-21665 ; 11 juin 2013, pourvoi n° 12-17634 ; 31 janvier 20125, pourvoi n° 11-11716 ; 2 novembre 2011, pourvoi n° 09-60943).

A ce titre, l’agent commercial est fondé à solliciter la communication de tous éléments utiles à l’établissement de son droit à commission ce qui comprend une grande variété de documents. C’est ainsi que les juges condamnent sous astreinte les mandants à la remise des bons de commande, bons de livraison, factures clients, comptes clients, etc… (CA TOULOUSE 23 juillet 2014 COREPSO/KRANZLE GMBH, arrêt n° 238 ; CA MONTPELLIER 24 janvier 2012 BOURTOIRE/PASTOR, arrêt n° 309 ; CA AIX-EN-PROVENCE 5 février 2004 TRUC/Camille JOURDAN, arrêt n° 00-16192).

Dans les affaires d’une grande complexité les juges peuvent également ordonner l’institution d’une mesure d’expertise judiciaire confiée à un technicien qui sera alors chargé d’investigation approfondie dans la comptabilité du mandant.

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