L’APPORT DE CLIENTÈLE ET L’INDEMNITÉ DE CESSATION DE MANDAT DE L’AGENT COMMERCIAL

Contrairement à une croyance largement répandue, et à la différence des VRP, l’indemnité de cessation de mandat de l’agent commercial n’indemnise pas la perte d’une clientèle car cette dernière appartient au mandant. En fait, la jurisprudence, de longue date, justifie le préjudice de l’agent commercial dans la perte de la part de marché provoquée par la cessation du mandat, qui reste entièrement en la possession du mandant, et par l’impossibilité de céder la carte à un successeur.

La jurisprudence considère en effet que même si l’agent peut continuer à visiter la clientèle pour des produits différents, il perd le chiffre d’affaires attaché spécialement aux produits du mandant. La Cour de Cassation considère donc que « …l’indemnité répare la perte d’une part de marché et non la clientèle créée ou préexistante » (Cass. Com. 9 janvier 2001, pourvoi n° 98-11313 ; 29 février 2000, pourvoi n° 97-13220). Autrement dit, et toujours selon la Cour de Cassation, l’indemnité compense « …la perte de commissions auxquelles l’agent pouvait raisonnablement prétendre dans la poursuite du contrat (Cass. Com. 16 octobre 2001, n° 99-10271).

Elle est également destinée à indemniser l’agent commercial de la patrimonialité de son mandat qui était transmissible à un successeur en application de l’article L134-13-3 du Code de Commerce. Du fait de la rupture de son mandat, l’agent ne peut plus le céder à un successeur et il doit donc être indemnisé de la perte de cette valeur patrimoniale (CA Nîmes 12 avril 2012 Rochon/Technisol, arrêt n° 97 ; Aix-en-Provence 8 mars 2007 SARL Biesse/SARL Reppco, arrêt n° 2007/131 ; 1er juillet 2005, Une Fleur en Plus/Reppco, n° 2005/390).

Cette définition jurisprudentielle du préjudice de l’agent commercial par la notion de perte de part de marché et du droit de vendre le mandat à un successeur implique deux importantes conséquences qui participent de la spécificité de l’indemnité de cessation de mandat et qui distinguent très nettement la situation de l’agent commercial de celle du VRP.

Tout d’abord, et à l’inverse de l’indemnité de clientèle des VRP, l’indemnisation de l’agent commercial n’est pas conditionnée par la justification d’un apport de clientèle par l’agent (Cass. Com. 14 octobre 1997, n°95-16973). La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation considère que « …L’indemnité répare la perte d’une part de marché et non la clientèle créée ou préexistante » (Cass. Com. 9 janvier 2001, n° 98-11313 ; 29 février 2000, n° 97-132220). Il s’agit là d’un avantage considérable que procure le statut d’agent commercial puisque le VRP, pour pouvoir prétendre à l’indemnité de clientèle, doit prouver avoir développé la clientèle de son employeur en nombre et en valeur (Cass. Soc. 6 juin 2001, n° 99-43334 ; 10 novembre 1992, n° 89-43448).

Ensuite, la valeur de la part de marché s’évalue au jour de sa perte, et il n’y a pas lieu de tenir compte de son évolution antérieurement ou postérieurement à cette date. A ce titre, on ne peut établir de distinction entre la clientèle nouvelle et préexistante (Cf. : les arrêts précités) alors que pour les VRP on doit au contraire exclure de l’indemnisation la clientèle qui existait déjà lors de sa prise de fonction (Cass. Soc. 15 février 2006, n° 04-978). De même, contrairement aux VRP, la perte de clients après la rupture n’a pas d’influence sur l’indemnisation (Cass. Com. 28 février 2005, n° 063-17062) les juges n’étant pas tenus d’examiner des éléments postérieurs à la cessation du contrat. La pérennité de la part de marché est donc indifférente à l’indemnisation de l’agent commercial ce qui est bien normal puisqu’il n’a plus de contrôle sur cette dernière.

Enfin, si le VRP est privé d’indemnisation s’il continue à visiter la même clientèle pour des produits similaires (Cass. Soc. 23 novembre 1999, n° 97-42979), cette circonstance est indifférente à l’évaluation du préjudice de l’agent commercial. En effet, l’agent commercial est par essence multicartes en application de l’article L134-3 du Code de Commerce et les dispositions de l’article L134-12 du même code relatives à l’indemnité de cessation de mandat n’en conditionnent pas l’octroi à la perte par l’agent de la totalité de ses cartes. De surcroît, et même si l’agent commercial a immédiatement remplacé le mandant pour des produits similaires, son préjudice reste patent puisqu’il lui faudra nécessairement du temps pour convaincre les acheteurs de changer de fournisseur, sans compter les délais liés par exemple à la saisonnalité de certains produits ou aux conditions administratives et commerciales de process de référencement.

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