L’AGENT COMMERCIAL ET LES CENTRALES THÉMATIQUES

L'AGENT COMMERCIAL ET LES CENTRALES THEMATIQUES

Depuis quelques années, certaines enseignes de grande distribution ont développé discrètement des structures spécialisées dans l’achat et la revente à leurs adhérents de certaines catégories de produits, ce qui a provoqué d’importants litiges entre mandants et agents commerciaux. Ces sociétés, qui sont en fait des centrales thématiques, avaient l’apparence de simples distributeurs ce qui a incité des mandants à refuser de rémunérer leurs agents sur les ventes réalisées en prétextant que ces « clients » n’appartenaient pas au territoire qui leur avait été confié.

Mais en fait ces structures fonctionnaient comme des centrales classiques. Elles procédaient au référencement des fournisseurs et des produits qui étaient majoritairement vendus sous marque distributeur aux magasins adhérents de l’enseigne à des tarifs systématiquement inférieurs à ceux dont disposaient les agents en produits de marques pour les ventes aux mêmes affiliés. C’est ainsi que les agents commerciaux ont vu disparaître très rapidement leur part de marché puisque les magasins décidaient généralement de s’approvisionner directement auprès de la centrale thématique.

La nature et l’importance du préjudice ainsi subi par les agents commerciaux sont illustrés par un arrêt qui vient d’être rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 5 septembre 2019 (SAS Lebrun/Prime, n° 2019/298) qui stigmatise l’attitude fautive du mandant qui, en violation de l’article L134-4 du Code de Commerce, tout en sachant que les livraisons faites à la centrale thématique allaient faire perdre à son agent commercial la totalité de sa clientèle de point de vente, n’a rien fait pour lui permettre de poursuivre l’exécution de son mandat. Non seulement la Cour estime que la cessation du mandat est ainsi imputable au mandant et le condamne au versement des indemnités d’usage, mais elle l’oblige en sus à indemniser l’agent de la perte de chance de percevoir des commissions sur les ventes faites au profit des magasins de son secteur sur les 5 années qu’a duré cette situation.

Les juges relèvent qu’ « …il n’est pas contesté que la société LEBRUN a procédé à des approvisionnements de magasins directement et n’a pas versé de commission à son agent au mépris des termes du contrat initialement conclu et dont la modification suggérée n’a pas été approuvée par l’agent.

Il est établi que le chiffre d’affaires de Monsieur PRIME avec les magasins LECLERC de son secteur est passé de 53.868 € en 2009 à 105.048 en 2010. Or à partir de 2011, la société LEBRUN a directement livré la société VERALEC émanation du Groupe LECLERC… […] il est donc démontré que la transgression de ses obligations par la société LEBRUN est à l’origine de la rupture du contrat notifiée par Monsieur PRIME […] le non-respect des dispositions contractuelles par la société LEBRUN a engendré pour Monsieur PRIME une perte de chance réelle et sérieuse de ne pouvoir percevoir les commissions qu’il devait normalement toucher… ».

Cette jurisprudence est à rapprocher des nombreuses décisions déjà rendues sur le fondement du caractère d’intérêt commun du mandat d’agent commercial qui interdit au mandant quelque action ou décision que ce soit qui puisse nuire à la part de marché traitée par l’agent (CA Caen 9 mai 2019 Glineur/Rey surgelés, n° 2016-274 ; Aix-en-Provence 9 avril 2015 Comptoir Régional des Extincteurs/Demont, arrêt n° 2015/148 ; 5 septembre 2012 Vaissié/Lecico France, arrêt n° 2012/324).

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